Frères et Sœurs,
Et vous tous qui suivez cette célébration à distance,
Les paroles du prophète Isaïe que nous venons d’entendre en première lecture résonnent d’une façon très forte alors que nous sommes à peine en train de sortir d’une terrible pandémie qui fait encore beaucoup de victimes dans le monde. Souffrances physiques, mais aussi morales.
Le prophète Isaïe nous dit : « Il m’a envoyé proclamer une année de bienfaits accordés par le Seigneur… consoler ceux qui sont en deuil… mettre sur leur tête l’huile de joie au lieu du deuil… un habit de fête au lieu d’un esprit abattu. » Ces paroles, Jésus les a incarnées et il les prend à son compte : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. ».
Jésus se permet de dire cela, car ce qu’il a annoncé, il l’a fait, et il continue de le faire. Il l’a fait en guérissant les malades, en délivrant ceux qui étaient sous l’emprise du démon, en nourrissant les foules, en faisant revenir à la vie son ami Lazare. Comme le disaient les disciples d’Emmaüs : « Jésus de Nazareth, (cet homme) était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. »
Bien sûr nous pouvons nous interroger sur ce que nous sommes en train de vivre. Quel est le sens de cette souffrance qui touche l’ensemble de l’humanité ? Comment comprendre que toute notre vie sociale soit bousculée par un virus ? Dieu ne nous aurait-il pas abandonnés à notre sort ? Voire sanctionnés en raison de nos excès ? La réponse de Dieu est dans l’amour entièrement donné de Jésus sur la croix.
Jésus, le Fils de Dieu, n’a pas échappé à la condition humaine, il a subi l’injustice, les outrages, une souffrance et une mort infamante. Mais par sa résurrection et sa victoire sur les forces du mal et sur la mort, il est à même de répandre les bienfaits de Dieu sur les hommes, comme le prophète Isaïe l’avait annoncé. Jésus est monté au ciel auprès du père, mais il ne s’est pas éloigné pour autant de notre condition humaine.
Les bienfaits de Dieu, Il continue à les répandre par la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres, c’est-à-dire à ceux qui ont le cœur assez humble pour se laisser toucher, se laisser convertir par sa parole de vérité. Il manifeste aussi ces bienfaits par les sacrements, c’est-à-dire ces gestes que les prêtres font au nom du Seigneur et qui réalisent vraiment sur chacun de nous ce que Jésus a promis.
Ainsi, aujourd’hui, je vais bénir l’huile des malades, l’huile des catéchumènes et le Saint Chrême, qui vont être utilisés toute l’année dans la célébration des sacrements. Ces huiles qui deviennent saintes par la force de Dieu expriment de façon très belle l’amour et la miséricorde dont le Seigneur nous comble. Ce sont des signes tangibles, car le Seigneur sait bien que nous avons besoin de sentir physiquement sa présence.
L’huile des malades d’abord. Durant cette pandémie, beaucoup de prêtres ont pu s’approcher des malades, notamment ceux du Covid-19 à la maison ou à l’hôpital, pour leur faire une onction d’huile au nom du Seigneur. L’accès des malades en réanimation n’a pas été toujours facile durant cette crise sanitaire, mais cela nous a donné l’occasion de faire comprendre à tous à quel point les malades n’avaient pas seulement besoin de soins médicaux.
La visite du prêtre, et le don de Dieu qu’il donne dans les sacrements, est aussi un geste vital. Le Seigneur ne nous affranchit pas de la souffrance, qu’il a lui-même subie, mais il soulage le corps, l’âme et l’esprit. Comme le dit le prophète Isaïe, le Seigneur est venu « guérir ceux qui ont le cœur brisé », donc pas seulement le corps brisé ! La dignité de la vie humaine, ce n’est pas seulement d’avoir un organisme en bonne santé, c’est aussi de tenir bon dans la foi, l’espérance et la charité.
Avec l’huile des catéchumènes, que je bénirai ensuite, le Seigneur donne aux jeunes et aux adultes qui se préparent au baptême, la force de surmonter les embûches du chemin. Et la première d’entre elles, l’esprit du mal qui introduit en nous la tentation du doute et du découragement face aux épreuves de la vie, et qui suscite le péché, l’esprit de division comme on a pu le voir durant cette période de confinement. Mais même en dehors de la pandémie, nous vivons dans un monde complexe, et vivre en fidélité à l’Évangile demande du courage. Par cette huile, le Seigneur donne aux catéchumènes la force de se convertir en discernant « quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2) et de s’y engager résolument.
Enfin je consacrerai le Saint Chrême, cette huile parfumée, par laquelle le Seigneur marque pour toujours les baptisés par le don de son Esprit Saint pour qu’ils deviennent des témoins joyeux de son amour, lumière du monde et sel de la terre comme dit Jésus. La pandémie et ses conséquences nous mettent dans l’inquiétude et même peut-être dans l’angoisse face à l’avenir du monde.
Mais comme l’écrivait le pape François : « Les maux de notre monde — et ceux de l’Église — ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. En outre, le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité… » EVANGELII GAUDIUM n° 84
Durant la fête de la Pentecôte, dimanche prochain, beaucoup de catéchumènes vont recevoir le baptême et la Confirmation qu’ils n’avaient pas pu recevoir à Pâques. D’autres les recevront à la fête de la Sainte Trinité. Avec l’onction de Saint-Chrême, leurs fronts seront marqués par l’Esprit Saint, le don de Dieu. En cette période si particulière, demandons déjà pour eux, mais aussi pour chacun de nous, la grâce de l’Esprit Saint.
« Viens, Esprit Saint, et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. (…)
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé. (…) Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles. Amen. »
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon